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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

il faut changer de méthode dans la lutte contre la pauvreté
Article mis en ligne le 8 février 2023

Depuis 20 ans, les chiffres restent globalement stables : plus de deux millions de Belges sont dans une situation de (risque) de pauvreté ou d’exclusion sociale. Un sur cinq.
“Les choses ne s’améliorent pas. Elles se détériorent même. La crise sanitaire liée au Covid, suivie de la crise énergétique, aggrave la situation”, relève Jean Hindriks, professeur d’économie à l’UCLouvain et fondateur d’Itinera.

Pour l’économiste, il faut changer de méthode dans la lutte contre la pauvreté : les moyens doivent viser un impact social plutôt qu’alimenter une machinerie d’aide.

“On n’est pas pauvre parce qu’on fait des mauvais choix mais on fait des mauvais choix parce qu’on est pauvre, poussé par le stress du lendemain.”
(Jean Hindriks)

Un article d’Annick Hovine, Journaliste.
Publié dans La Libre le 21-12-2022.

Des moyens importants permettent de limiter l’ampleur du problème : sans la sécurité sociale et les systèmes d’aides diverses, le taux de pauvreté serait deux fois plus grave, convient l’économiste. “Mais la constante macabre du nombre de pauvres montre qu’il faut changer de méthode pour permettre aux personnes de sortir de la pauvreté”.

Lire aussi : "Lutter contre la pauvreté par des interventions sur-mesure, ça marche et ça ne coûte pas plus cher"

”Il y a urgence”

Il y a urgence, martèle-t-il. Une partie de plus en plus importante de la population “décroche” de la société, en renonçant tout simplement à ses droits et aux aides, parce que c’est trop compliqué, trop incertain, trop dégradant. De nombreux citoyens sortiraient du monde commun, disparaissant sous les radars. À cela s’ajoute la crise de l’énergie, qui précarise une partie de la classe moyenne. Si le système d’aide n’est déjà pas optimal aujourd’hui, pourquoi le serait-il demain, sous une pression encore plus grande ?
Pendant deux ans, Jean Hindriks et son collègue Joël Van Cauter, philosophe et membre d’Itinera [1], ont fait un travail collectif avec les acteurs de terrain qui se battent au quotidien contre la pauvreté.

Image du rapport "Agir durablement contre la pauvreté"

Résultat : un rapport (Agir durablement contre la pauvreté) sous forme de livre (en accès libre) qui propose de construire une politique sur la base d’un double retournement.

Changer de méthode

Un  : changer de méthode et partir de l’impact. “Au lieu de calculer les coûts de la pauvreté et de libérer des budgets pour mettre en place une politique d’aide et d’assistance, il faut d’abord définir l’impact visé, le changement qu’on veut permettre dans la vie des personnes et dans la société, et déterminer ensuite les ressources nécessaires, les moyens à mobiliser, les compétences et les acteurs à mettre autour de la table”, explique Jean Hindriks.

Les moyens doivent servir à faire réussir l’action plutôt que d’alimenter une machinerie d’aide. “On renverse le financement. On bascule du “Pay for services” vers le “Pay for success”. C’est la méthode de l’impact social”. On n’a rien inventé. Cette volonté d’inversion s’inspire de ce qui se fait ailleurs et d’une littérature académique de plus en plus importante, comme les travaux d’Esther Duflo (une économiste franco-américaine, professeure au Massachusetts Institute of Technology à Boston, NdlR), qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2019. faisons un regroupement des alliances autour d’un objectif clair avec des mesures d’impact. Et ce qu’on rémunère, c’est l’impact”.

”Les pauvres”, ça n’existe pas…

Deux  : partir des situations individuelles. On a tendance à mettre toutes les personnes précarisées dans un même sac. Mais “les pauvres”, ça n’existe pas ; il y a des personnes pauvres. “Une femme peut se retrouver dans une situation précaire du jour au lendemain, isolée avec trois enfants suite à une rupture familiale. Ce n’est pas la même chose qu’une autre personne qui se retrouverait en pauvreté suite à une série d’accoutumances”, souligne le professeur d’économie.

Mais, dans tous les cas, il faut sortir du stéréotype d’un pauvre coupable de sa pauvreté (comme on le voit à droite) ou victime de la société (comme on le décrit à gauche). Ici encore, le travail de Jean Hindriks et Joël Van Cauter corrige et renverse la perspective. De nombreuses études montrent que la rareté diminue, pour chacun, les capacités de compréhension et de décision. “On n’est pas pauvre parce qu’on fait des mauvais choix mais on fait des mauvais choix parce qu’on est pauvre, poussé par le stress du lendemain”, insiste-t-il.

Il faut donc élaborer des solutions adéquates et personnalisées au départ des situations individuelles. Ce qui implique un changement de pratiques et un inversement de l’entonnoir actuel : il faut remplacer des intervenants sociaux multiples, qui proposent quelques solutions standards, par un accompagnement unique, qui ouvre sur une diversité de solutions, indique le rapport. Les personnes aidées, qui reprennent confiance en elles, pourront alors retrouver une place dans la collectivité qui les respecte et les reconnaît.

"Lutter contre la pauvreté par des interventions sur-mesure, ça marche et ça ne coûte pas plus cher”

Pour l’économiste Jean Hindriks, le mode de financement actuel et des résistances idéologiques restent des freins à un changement de méthode, qui viserait d’abord l’impact social, pour les personnes et la société.