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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Patrick Lagadec : LE TEMPS DES RUPTURES
Article mis en ligne le 4 octobre 2014

Concepteur de la notion de « risque majeur », observateur et praticien des « ruptures », Patrick Lagadec a rassemblé dans un ouvrage collectif, un faisceau d’analyses sur ces réalités contemporaines aussi considérables qu’elles sont méconnues ; Xavier Guilhou, acteur social au double sens de l’entreprise et de « la société » a contribué à ce travail d’émergence et de réflexion.

"La clé est de bien comprendre que le théâtre d’opérations de nos vulnérabilités est en profonde mutation. Nous avons très longtemps été fixés sur ce que j’appelle le monde de l’urgence : un accident spécifique, en un lieu spécifique, posant des problèmes connus, pour lesquels on dispose de spécialistes bien repérés, de réponses connues, de modèles de décision efficaces, inscrits dans des logiques hiérarchiques empruntées au domaine militaire. Une formule résume la philosophie de cet univers : "un chef, une mission, des moyens".

Dans les années 70, en raison des évolutions technologiques, sont survenues ce que j’ai qualifié de crises. Le cas emblématique fut l’accident de Seveso (1976), qui donna lieu à un fiasco décisionnel de grande envergure. Le monde de l’urgence relativement stable s’est déstabilisé par des facteurs qui faisaient soudain irruption dans le champ de l’intervention à conduire : de très fortes incertitudes (que sait-on de la dioxine ? fut une question paralysante dans l’affaire de Seveso), une multiplication des intervenants, entraînant des problèmes massifs de communication entre les organisations responsables, avec le public, avec les médias, etc.

Dès qu’il y a crise, le problème change de nature : avec l’urgence il était d’abord technique. Il devient politique. (...) Lors de l’accident nucléaire de Three Mile Island (1979), le gouverneur de Pennsylvanie est vite confronté à la question de fond : "pourquoi du nucléaire en Pennsylvanie ?" Le citoyen exige d’avoir accès à l’information et au processus de décision.

"Dans les années 90, aux urgences et aux crises s’ajoutent des phénomènes de beaucoup plus grande ampleur que j’ai qualifiés de "ruptures". Les dossiers emblématiques sont ici : le sang contaminé, la vache folle, les OGM, les vulnérabilités informatiques, la montée des violences urbaines, le changement de climat, etc."

Pour coller à l’actualité, on pourrait ajouter les éruptions volcaniques qui perturbent l’organisation du transport aérien, les inondations qui font prendre conscience qu’une bonne partie du territoire français est bâti en zone inondable, avec ou sans réchauffement climatique, Fukushima, l’irruption d’assassinats horribles et de sang froid par des "califats" proche du gangstérisme, à seule fin d’impressionner l’opinion...

Point focal de ces dossiers : de profondes pertes de repères.

Le phénomène de rupture

"Il y a "pulvérisation des référentiels, ce qu’on pourrait appeler le grand écart mental, la perte du sens, l’abolition des règles du jeu et des conventions. Si quelque chose était sûr, il se volatilise ; par exemple en biologie, où l’on était certain de la barrière des espèces. Dans maints domaines, ce type de dogme se trouve emporté de façon répétée. On pourrait résumer par ce paradoxe : dites-moi quelles sont vos références les plus chères, et s’il y a rupture, crise émergente grave, c’est que l’une ou plusieurs de ces assurances fondatrices auront été touchées. Un sentiment de vertige est rapidement déclenché par la rupture : la frontière entre le problème réel et le non-sens, entre l’absence de danger et le désastre de grande envergure devient ténue et instable. "
« la science expérimentale est incapable d’assurer qu’un risque n’existe pas ».
On avait coutume de considérer que l’exceptionnel ne faisait pas partie du domaine de la responsabilité : l’aberrant - les ouragans dans nos pays dits tempérés - tend à s’imposer dans le quotidien. La séquence expertise - information - décision était bien établie : elle est pulvérisée. Auparavant le décideur pouvait interroger ses experts officiels, obtenir des diagnostics et en garder le monopole, prendre ses décisions, et enfin informer en toute connaissance de cause, s’il en décidait ainsi ; désormais, le décideur se saisit des phénomènes, alors que les problèmes sont déjà extériorisés. De multiples experts interviennent, l’inconnu est au centre de l’expertise, il faut décider dans la plus grande instabilité, l’information se fait dans des environnements déjà marqués par des effets Larsen particulièrement aigus, etc.
Le management classique est souvent pris à contre-pied. il a été pensé et instrumentalisé pour la conduite des situations relativement stables. Il se trouve désormais, le plus souvent, en univers instable, traversé de surprises radicales, de phénomènes globaux, d’incertitudes impossibles à lever, de régulations très aléatoires, de crises d’opinion aussi soudaines que violentes. Des partenaires centraux sont souvent rapidement marginalisés ; des partenaires secondaires, voire marginaux, totalement inconnus ou jusque-là rejetés deviennent centraux.

Quant au politique, il a de plus en plus de difficulté à trouver ses marques.
(...)

Voilà. Vous en savez assez pour aller voir sur le site de Patrick Lagadec de quoi il retourne (2)

Extraits de
LE TEMPS DES RUPTURES, Entretien avec Patrick Lagadec et Xavier Guilhou
interview accessible sur le site de Patrick Lagadec