Bandeau
LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Retour de Mostaganem, Algérie
Citations et rencontres soufies
En relation avec le Centenaire de la confrérie soufie Alawiyya
Article mis en ligne le 26 août 2009
dernière modification le 24 octobre 2018

Mostaganem, Algérie. Cinquantenaire de la confrérie soufie Alawiyya.

Une semaine dans un autre monde, et pourtant si proche...

Voyage. Et périple intérieur...

Ouverture culturelle. Et questions prospectives...

Sur soi. Sur le monde... Sur l’histoire. Sur l’avenir...

Voici quelques phrases, quelques textes, quelques images, quelques liens.

Les quelques jours que je viens de passer en Algérie dans le cadre du centenaire de la confrérie soufie Alawiyya, où nous avons présenté l’atelier "Réveiller le Rêveur", m’ont donné l’occasion de glaner quelques phrases, lues ou entendues, qui résonnent en moi. Elles m’ont conduit à des lectures dont j’ai extrait d’autres citations. Elles apportent des révisions mentales, une nouvelle façon de découvrir le monde musulman, et une dimension spirituelle riche et ouverte, quelle que soit la culture d’origine dans laquelle nous avons grandi, religieuse ou laïque. Je pense que chacun peut y trouver matière à agrandir son champ de conscience et enrichir sa vie intérieure.

1.

Mon cœur est devenu capable
D’accueillir toute forme.
Il est pâturage pour gazelles
Et abbaye pour moines !
Il est un temple pour idoles
Et la Kaaba pour qui en fait le tour
Il est les Tables de la Thora
Et aussi les feuillets du Coran !
Je crois en la religion de l’Amour
Où que se dirigent ses caravanes
Car l’Amour est ma religion et ma foi.

Ibn Arabî
Ibn Arabî est né en 1165, à Murcie, Al Andalus, Espagne musulmane, et décédé en 1240 à Damas, Syrie

2.

"Aujourd’hui, les musulmans donnent l’impression de conduire une voiture dont le rétroviseur est plus grand que le pare-prise."

Tareq Oubrou, Imam de Bordeaux

3.

"Le savant est en dessous de ce qu’il dit.
Le gnostique est au dessus de ce qu’il dit.
Dès lors, beaucoup de soufis ont choisi le silence."

Eric Geoffroy, à propos de la parole.

4.

"Gardez-vous de ne faire partie que de l’une de deux espèces d’homme, le rationaliste ou le croyant, soyez les deux."

Emir Abd le-Kader

Esprit libéral et précurseur, Abd le-Kader est animé par une foi enthousiaste dans l’avenir et le progrès de l’humanité. Témoignant en permanence d’un intérêt tout particulier pour les innovations techniques, il adhère au projet de construction du canal de Suez. Il défend avec conviction cette initiative porteuse d’une modernisation vitale pour cette région et symbole du trait d’union qui relie l’Orient et l’Occident.

"Le nouveau deviendra ancien et l’ancien deviendra nouveau"
Abd le-Kader

5.

Christian Delorme (prêtre catholique, diocèse de Lyon)

A propos du dialogue interreligieux :
 nettoyer l’histoire :
- comprendre les mécanismes qui ont conduit à tant de guerres,
- savoir reconnaître et mettre en évidence ce qu’il y a eu de positif.
 accueillir le présent :
- savoir analyser ensemble le monde qui est le nôtre.
 vouloir un avenir commun : notre monde est devenu un village planétaire, nos cultures doivent vivre ensemble. Nous vivrons ensemble ou nous périrons ensemble.

6.

Le Cheikh Bentounès

• à propos du voile :

 Question : "Vous auriez déclaré que le hidjab n’est pas une obligation religieuse. Pourriez-vous clarifier cette réflexion ?"
 Moi je suis contre le hidjab qui est dans la tête, pas sur la tête. (…) (Voir la note "La fonction du voile" ci-dessous)
Avant tout, éduquez la femme parce que le meilleur des comportements et le meilleur des vêtements, c’est la pudeur, que ce soit pour l’homme ou pour la femme. Je ne vois pas pourquoi on autorise l’homme à porter ce qu’il veut et pas la femme. Il y a un conditionnement par la force. Au lieu de nous occuper des questions fondamentales dans un monde en proie à des crises financière, climatique, alimentaire, à une crise de sens, au lieu de se préparer aux défis de demain, au lieu d’être des sociétés de proposition, nous sommes constamment dans le déni, retranchés derrière des arguments étriqués en jetant la pierre à l’Occident.


• A propos de la Charia

 Nous avons un patrimoine inestimable. Moi, quand je lis la charia, je l’interprète comme une voie extraordinaire d’ouverture. Hélas, à partir d’une certaine époque, il y a eu un rétrécissement des esprits dans le monde musulman. Savez-vous qu’il y avait 52 écoles de pensée et de fiqh (réflexion) à Baghdad ? Il n’en reste plus que quatre et bientôt, même ces quatre, elles vont disparaître et il ne restera plus que la doctrine wahhabite. On aura ainsi atteint le sommet de l’abrutissement généralisé.

(Voir aussi une analyse plus détaillée D’Eric Geoffroy sur la Charia dans la rubrique "Matière à penser")

Note : La fonction du voile (Cheikh Bentounès, La fraternité en partage, p. 159) [1]

Voir aussi d’autres extraits du cheikh Bentounès sur ce site

Un écho de la presse à ce sujet

"Alors que la société est dans la détresse totale, et qu’elle réclame un "ijtihad" [2] profond, certains croient qu’en mettant le voile, on règle les problèmes", déplore le conférencier qui rappelle que sa grand-mère qui était chef d’une zaouïa où vivaient 130 personnes, ne portait que le voile de la dignité.
"Aujourd’hui, on a fait du voile un instrument idéologique pour avoir un stéréotype de femme modèle", dénonce M. Bentounès. "Ils ont fait du voile une sorte d’examen de conscience : une femme qui ne le porte pas n’est pas musulmane", regrette le chef de la tariqa alawiya.
Et de s’interroger : « Est-ce qu’on va interpréter l’islam avec une horizontalité affligeante et destructrice de tout cet héritage pluriel qui contient de toutes ces écoles de pensée philosophique, religieuse et doctrinale ? »

Chafaa Bouaiche (SOUFISME, L’HÉRITAGE COMMUN - 31-07-2009)

7.

Découvertes

Un beau logo, plein de significations, pour présenter un atelier qui a eu beaucoup de succès à Mostaganem, la ’thérapie de l’âme".
Et des rencontres de personnes formée à l’animation de ce processus d’éveil [3].

Comment se présente la Thérapie de l’âme sur son site internet ?

"Devenir un être universel accompli, voilà la transformation à laquelle est appelée l’humanité"

 
"Toutes les traditions nous invitent à prendre soin de notre âme, et ce faisant à renouveler notre vision du monde, et donc le monde lui-même.

Ainsi la tradition soufie, à l’instar de toutes les autres, véhicule-t-elle toute une science qui accompagne l’homme dans sa vie, au jour le jour, dans le monde tel qu’il nous apparaît à l’instant, dans ce quartier, dans cette école, dans ce hall d’hôpital, dans ce jardin, sur ce chemin…

Toute cette science, en quoi peut-elle nous aider, quels éclairages, quel supplément d’âme peut-elle insuffler à nos pratiques de pédagogue, de thérapeute, de soignant, d’accompagnant, de créateur, de penseur, de politicien, de sociologue, de parent, d’oncle, de confident, de citoyen ? Quelle touche peut apporter la tradition soufie à nos pratiques quotidiennes des sciences humaines ?

Il n’est donc clairement pas question ici de former à une quelconque thérapie ni de proposer des soins physiques, psychiques ou psychiatriques, mais simplement d’offrir à tous les artisans de l’âme un espace de réflexion et d’expérimentation s’inspirant des composantes universelles de la tradition soufie et orienté vers le Vivant, au travers de documents, d’études et d’échanges.
 [4]

Toutes les activités de l’association se pensent et s’organisent en cercle.

"Il y a un besoin urgent de voir émerger des êtres qui (…) seront les annonciateurs des temps nouveaux, du message messianique, révélateur d’un âge où la justice régnera, où l’homme cessera d’être un loup pour son frère. Ce propos peut paraître utopique, mais il est en réalité le défi majeur à relever pour ce nouveau siècle afin de construire un monde dans lequel seront apaisées les querelles et les contradictions : la fraternité universelle étant la clé de voûte.
Cette fraternité est un cercle dont chaque individu est un maillon complémentaire de l’autre. Dans un cercle, il n’y a ni premier, ni dernier. Chacun est concerné, il est à la fois le premier et le dernier. J’espère que c’est dans cet esprit d’unité que l’humanité se retrouvera pour réaliser le meilleur de son destin."
(Cheikh Khaled bentounès)

"Toute la puissance du monde se déploie en formant des cercles, et toutes les choses de la terre cherchent à devenir rondes. Le ciel est rond, et j’ai entendu dire que la terre est comme un ballon, de même que les étoiles. Le vent à son plus fort tourbillonne. Les oiseaux font leurs nids en rond. Le soleil et la lune tous les deux sont ronds et vont et viennent en traçant des cercles. Même les saisons dans leurs changements forment un cercle immense, et toujours elles reviennent à leur point de départ. La vie d’une personne est un cercle qui va de l’enfance à l’enfance, et c’est ainsi pour toute chose que la puissance du monde anime".
(Elan Noir. Sagesse issue d’un des peuples Amérindiens).

le site de la thérapie de l’âme :http://www.therapiedelame.org

8.

Une autre découverte
a été la rencontre à Mostaganem de Manijeh Nouri, [5], qui a traduit du persan et commenté un texte très célèbre : "la conférence des oiseaux", recueil de poèmes médiévaux écrit en langue persane, sorte de conte initiatique d’une grande richesse publié par un poète soufi en 1177.

Voir notamment un de ses textes sur la langue et la littérature persane : http://www.clio.fr/espace_culturel/manijeh_nouri-ortega.asp

Et voici un poème extrait de son article sur ce site :

Mourez, mourez en cet Amour,
_ ?Lorsque vous mourrez, vous tous recevrez l’Esprit, ?
Mourez, mourez et n’ayez pas peur de cette mort ?
Car vous vous élèverez de cette terre et vous rejoindrez le ciel.
_ ?Mourez, mourez et coupez cette âme concupiscente car cette âme concupiscente est ?
Comme une chaîne, dont vous êtes le prisonnier.?
Prenez une pioche dans la fosse de votre prison, ?
Soyez à l’affût dans la fosse de votre prison, ?
Lorsque vous serez arrivés à casser votre prison, ?
Vous serez tous des rois et des émirs.?
Mourez, mourez et sortez de ce nuage, ?
Quand vous serez sortis de ce nuage, ?
La lune pleine, tous vous serez.

(Fragment d’un ghazal [6] extrait du Divan Sham (1636), l’immense recueil de poème de Jalâl ud-din Rumi "Mowlânâ")

9.

Eric Geoffroy, dans son livre "L’islam sera spirituel ou ne sera plus",
A propos du nouveau paradigme
(extraits) :

Depuis quelques décennies, nous assistons à l’émergence d’un nouveau paradigme, qui est en voie de transformer radicalement notre rapport au monde. (…)

Le constat s’impose que les schémas anciens sont non seulement obsolètes, mais aussi nocifs pour la sauvegarde de l’humanité et de la planète.

Il faut chercher les prémices les plus sérieuses du nouveau paradigme dans la révolution quantique qu’a connue la physique dans les années 1920. Dans notre village planétaire, ce paradigme revêt une ampleur bien plus grande que ceux mis au jour aux 16e et 17e siècles par Copernic, Newton, Descartes et d’autres, bien que le grand public ne s’en soit pas encore rendu compte. Il rend totalement caduc le scientisme de la pensée européenne moderne, selon laquelle le réel se réduit à ce qui est observable et quantifiable.

La physique quantique rompt le mythe du positivisme scientiste, car elle "dématérialise" la matière. Elle ouvre la béance de la "perplexité suprême", comme le disent les soufis à propos de l’expérience spirituelle. Un philosophe contemporain des sciences peut ainsi s’écrier : "On sait très bien [d’un point de vue scientifique] pourquoi on ne saura jamais". (J. staune)

Le paradigme de l’holisme a été déterminé vers 1926 par le Sud-Africain Jan Christiaan Smuts, à partir, précisément, des théories scientifiques émergentes de la relativité générale et de la mécanique quantique. Ce paradigme a subi plusieurs évolutions sémantiques au Cours du 20e siècle, mais il énonce globalement que les caractéristiques d’un être ou d’un ensemble ne peuvent être connues que lorsqu’on l’appréhende dans sa totalité, et non pas quand on en étudie chaque partie séparément.

L’holisme constate donc une multidimensionnalité des interactions à l’œuvre dans le monde. Il se présente comme moniste par rapport au dualisme cartésien, vitaliste vis-à-vis du mécanisme : le cosmos y est perçu comme un organisme vivant, et non plus comme un astre mort, livré au néant. La "culture intégrale" animée par cette conscience holistique ferait émerger "une rationalité supérieure, globale et caractérisée par la spiritualité".

La critique radicale opérée par ce nouveau paradigme cible tout le domaine de la pensée occidentale moderne, perçue comme "réductionniste" ; elle prédit une désoccidentalisation du monde, et remet en cause l’exportation de cette pensée dans d’autres contextes civilisationnels, dans le monde musulman notamment.

Au sein de ce nouveau paradigme émergent de plus en plus de voix qui refusent désormais le totalitarisme d’une vision unidimensionnelle, utilitariste, du monde. Telle étaient déjà les positions de penseurs ou de spirituels européens durant la première moitié du 20e siècle, qui, à des titres divers, allaient à contre-courant du positivisme ambiant.
Mais il a fallu attendre les années 1970 pour que l’on passe de doctrines portées par quelques individus ou milieux à un vécu collectif, diffus.

Un des traits marquants de notre époque est que s’y joue la rencontre entre la physique quantique et des traditions spirituelles orientales telles que l’hindouisme, le taoïsme, le bouddhisme et maintenant l’islam soufi. Des scientifiques de pointe comme Niels Bohr, Erwin Schrodinger ou David Bohm ont été frappés par la concordance qui se dégageait entre leurs constats expérimentaux et les intuitions métaphysiques des sages orientaux anciens.

Notre époque est formidable en ce qu’elle réintroduit le sens par le biais de sciences d’avant-garde, alors qu’il avait été chassé par le positivisme scientiste des 19e et 20e siècles, et de la même façon épuisé par les arguties desséchantes des théologiens-juristes musulmans. Ainsi, par un retournement de perspective presque ironique, c’est la raison de pointe qui réintroduit le sacré, qui réenchante le monde.

(Demander cette réflexion plus complète en vous adressant à Michel Simonis, ou, encore mieux, aller à la source, le livre d’Eric Geoffroy : "L’islam sera spirituel ou ne sera plus", éd. du Seuil, 2009. Cette réflexion est extraite des pages 78 à 97.)

10.

Pour les curieux qui voudraient avoir des images de cette rencontre de Mostaganem, voici de magnifiques photos sur le site de Catherine Touaibi, photographe et co-réalisatrice d’une très belle exposition : Les tombeaux des Saints (Maqâm) en terre d‘Islam, Dômes des Lumières et Sources de Vie (Ecriture, architecture et photographies)