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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

L’implication des peuples autochtones dans la gestion durable
A propos des communautés autochtones Pygmées d’Afrique centrale

C’était le thème du Forum international des peuples autochtones d’Afrique centrale l’année dernière, en 2007.

Article mis en ligne le 19 mai 2008
dernière modification le 22 avril 2012

"Nous, peuples autochtones d’Afrique centrale, réaffirmons notre vision d’une relation respectueuse de tous les peuples envers notre mère, la terre, et notre engagement à pratiquer ce respect dans nos domaines forestiers (...). Mais notre respect pour la nature ne doit pas se limiter aux forêts, il doit inclure la terre entière (...)

A l’issue de leur premier Forum international tenu du 10 au 15 avril 2007 à Impfondo, les peuples autochtones d’Afrique centrale ont en outre voulu attirer l’attention sur les graves problèmes d’expulsion forcée et d’exclusion systématique des peuples autochtones de leurs terres et territoires lors de la création des concessions forestières et des aires protégées.

Sous le thème "L’implication des peuples autochtones dans la gestion durable et la conservation des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale", ce forum était organisé par le gouvernement congolais et les partenaires multilatéraux du développement, tels que l’alliance WWF, la Banque mondiale, l’UNICEF et l’UNESCO. Il regroupait les experts des neuf pays d’Afrique centrale. L’objectif de ce Forum était de faire connaître les droits souvent bafoués de ces peuples pygmées.

Ces peuples d’Afrique Centrale sont les premiers occupants de la forêt équatoriale, après avoir été chassés de leur premier habitat par les Noirs sahariens qui ont fui l’assèchement du désert du Sahara vers le 2ème siècle avant notre ère. Ils sont répartis dans neuf pays - Burundi, Cameroun, Congo (Brazzaville), Gabon, Guinée-équatoriale, Ouganda, République Centrafricaine, République démocratique du Congo et Rwanda - et vivent dans de nombreux groupes ethniques différenciés par des facteurs d’ordre géographique, linguistique, coutumier et technologique.

Souvent désignés du nom générique de Pygmées, ces peuples autochtones préfèrent toutefois être distingués par leur nom ethnique propre : Aka au Congo-Brazzaville et en Centrafrique, Mbuti en République démocratique du Congo (RDC), Baka au Cameroun, Babongo au Gabon, Twa au Rwanda et au Burundi.

Estimés à 250.000 individus environ, ils vivent traditionnellement de la chasse et de la cueillette de ressources forestières sauvages, qu’ils consomment eux-mêmes ou échangent avec leurs voisins bantous contre des produits issus de cultures. Leur mode de vie ainsi que leur savoir-faire ont instauré une culture propice à la préservation du milieu naturel. Cependant, la dégradation de leur écosystème du fait de l’exploitation forestière et minière intensive et du développement d’une agriculture itinérante entraîne la détérioration accélérée de leur cadre de vie.

"Les communautés autochtones très vulnérables qui vivent dans les zones forestières denses et humides n’ont jamais bénéficié des produits de l’exploitation de la forêt, ni des ressources naturelles de leur pays, ni d’une assistance financière durable de leur Etat", a ainsi déclaré M. Kapupu Diwa, coordinateur général du Réseau des populations autochtones et locales d’Afrique centrale sur la gestion durable des écosystèmes de la forêt. "Comment peut-on, au 21ème siècle, accepter cette discrimination entre des communautés et ignorer les droits de certaines populations d’Afrique centrale ?", a-t-il ajouté.

Pour M. Kapupu Diwa, les concessions et les contrats entre les gouvernements et les compagnies forestières ou minières prennent rarement en compte les besoins et les priorités des communautés autochtones. Ces reproches ont toutefois été relativisés par le Ministre de l’Economie forestière et de l’Environnement du Congo. "Les communautés autochtones sont les principaux acteurs de la préservation et de la gestion durable de la forêt", a assuré le ministre, qui a tenu à préciser : "Ce sont les exploitations minières et forestières sauvages, ainsi que le développement de l’agriculture itinérante qui ont contribué à la destruction du cadre de vie des populations autochtones".

Dans une déclaration publiée à l’issue du Forum, les représentants autochtones ont attiré l’attention sur les graves problèmes auxquels leurs communautés sont confrontées lors de la création des concessions forestières et de l’aménagement d’aires protégées.

"Nous refusons catégoriquement toute politique sur les forêts qui promeut la discrimination, l’exclusion et l’expulsion des peuples autochtones de leurs territoires, entraînant ainsi leur appauvrissement), indique le texte. S’estimant les "détenteurs de droits légitimes sur les forêts d’Afrique centrale", ils ont exhorté à un arrêt immédiat de ces pratiques, "qui aboutissent à la destruction de nos modes de vie", et les ont condamnées comme "une forme de génocide culturel".

Les Pygmées souhaitent dès lors être impliqués dans le Plan de convergence de la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac), dont ils demandent la révision pour que soient enfin garantis les "droits et la participation des peuples autochtones dans la gestion durable et la conservation des forêts d’Afrique centrale", Ils exhortent dès lors les Etats d’Afrique centrale à "promouvoir leur représentation dans les institutions nationales, comme les Parlements", et à "adopter la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones" (dont l’adoption finale par l’Assemblée générale des Nations Unies, reportée depuis plusieurs années, est prévue pour septembre 2007)

Jean-Michel Corhay

Les Pygmées, entre discriminations et servitude

Selon l’UNICEF, dans un récent rapport sur les Pygmées d’Afrique centrale, parmi les quelque 250.000 Pygmées d’Afrique centrale, 20% à 30% des enfants meurent avant d’avoir atteint l’âge de 5 ans. L’organisation dresse le sombre tableau d’une population "largement discriminée et marginalisée".Les problèmes de ces communautés autochtones, tels qu’énumérés dans son rapport, parlent d’eux-mêmes : "mortalité infantile très élevée", "discrimination quotidienne", "expropriation aux fins d’exploitation forestière", "chômage et travail précaire", "servitude", "manque de moyens éducationnels et sanitaires", "grande pauvreté", "négation des droits fondamentaux", y sont autant de constats accablants.

Mbuti

Depuis sa première rentrée scolaire, François Ababehu-Utauta a été la risée de ses camarades en raison de sa petite taille, mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre ses études. « Aucun camarade de classe ne voulait que je m’asseye à côté de lui », se rappelle le jeune homme de 18 ans, qui mesure 1,40 m. « Pour eux, je n’avais pas ce droit, je n’étais pas comme eux 1 ». Il confie qu’il avait envisagé un moment d’arrêter ses études pour se consacrer aux activités de la forêt. « Puis je me suis dit que la liberté était un combat : j’ai dû faire face aux actes d’incivisme des autres [enfants], mais je n’ai pas arrêté mes études parce que je savais que je les surmonterais », précise-t-il ensuite avec fierté, M. Ababehu-Utauta appartient à la communauté des Mbuti qui vivent dans la vaste forêt tropicale de l’Ituri, le district nord-oriental de la République démocratique du Congo (RDC). Contrairement aux autres membres de sa communauté, M. Ababehu-Utauta a ainsi pu terminer ses études primaires dans un établissement scolaire créé par une congrégation catholique dans cette province orientale, où les enfants autochtones sont majoritaires. Selon l’un de ses instituteurs, très peu d’écoles acceptent les enfants issus de communautés autochtones, même si la région abrite un quart des peuples autochtones vivant dans les forêts d’Afrique centrale. "Les conditions de vie des communautés autochtones sont partout les mêmes en Afrique centrale ; aucune de leurs demandes n’est prise en compte", résume Mme Hélène Aye-Mondo, directrice du Centre d’action pour le développement durable des autochtones pygmées.

Babongo

Sans acte de naissance, très peu scolarisés, et éloignés des centres de santé, une grande partie des Pygmées Babongo demeurent des citoyens de seconde zone, le plus souvent méprisés par leurs compatriotes. Ils seraient au Gabon entre 15.000 et 20.000 selon les chiffres des Nations Unies, qui demeurent approximatifs en l’absence de recensement exhaustif. Ils vivent dans des huttes adossées aux villages des Bantous, largement majoritaires dans le pays, ou à l’écart, dans des communautés au coeur de la forêt, Hélène Nze, présidente de l’ONG Edzengui qui s’occupe de la sauvegarde des peuples pygmées, vit dans le village bantou de Bitouga, près de Minvoul, au nord du pays. "Chez nous, les Bantous exploitent souvent les Pygmées", affirme-t-elle. "Ils disent "mon Pygmée" lorsque l’un de nous travaille pour eux ; ils nous minimisent car nous venons de la forêt, nous traitent comme des animaux". L’isolement du village et sa proximité avec la forêt ne facilitent pas les choses. "Quand il a plu, c’est très difficile d’accès", souligne M. Marcel Ngouambe, directeur du centre médical de Minvoul, venu à Bitouga dans le cadre d’une campagne de vaccination et d’enregistrement des naissances lancée par les autorités en 2006, en partenariat avec l’UNICEF. "Quand ils sont malades, les habitants se soignent avec leurs plantes ; Ce n’est qu’en cas de graves complications qu’ils viennent en ville, mais c’est souvent trop tard", déplore-t-il.

J-M.C.

Article extrait de DIMENSION 3, LE JOURNAL DE LA COOPERATION BELGE 3/1007